En juillet 1923 à Semblançay (Indre-et-Loire), petit village situé au nord de Tours, il y eut une effervescence toute particulière car, après Strasbourg en 1922, la Touraine fut choisie pour le Grand Prix de France de l’Automobile Club de France et de l’Union Motocycliste de France.

 

Semblançay fut choisie pour en être la ville de départ en raison de la présence :

  • d’une bascule pour peser les bolides,
  • d’une ligne droite pour y mettre les stands de ravitaillement ainsi que la grande tribune,
  • et enfin une gare permettant aux nombreux spectateurs de Paris et d’ailleurs de venir.

Une souscription fut faite pour réaliser les aménagements routiers nécessaires à plus de vitesse et de sécurité, de nombreuses communes d’Indre-et-Loire y contribuèrent.

Les ingénieurs des Ponts et Chaussées surveillent l’état d’avancement des travaux (rechargement du virage de la Membrolle).
Avril 1923 : on procède au recylindrage du chemin n° 48 du Pilori à Semblançay.

Tous les éléments étaient réunis pour une grande fête des sports mécaniques. Pendant deux week-ends sur ces routes belles pour l’époque mais quand même caillouteuses et poudreuses, se sont affrontées tout d’abord les motos. Avec, dans 3 catégories, les marques les plus célèbres de ces années-là (NEW-IMPERIAL, DOUGLAS, ALCYON, TERROT, GILLET, NORTON, PEUGEOT, KOEHLER-ESCOFFIER, GNOME-RHONE…).

En 250 cm3 , c’est DAVISON qui s’impose sur LEVIS ayant couvert 274 km à la moyenne de 80 km/heure.

En 350 cm3 , c’est LONGMAN sur AJS qui l’emporte en couvrant les 365 km à la vitesse de 90 km/heure de moyenne.

En 500 cm3, l’épreuve reine, c’est WHALLEY qui la gagne sur Douglas devant les trois Norton à la formidable vitesse de 101 km/h sur les 20 tours du circuit, ce qui fait 257 km. C’est la déconfiture des motos françaises et la victoire des anglaises !

Le deuxième week-end, les courses commencent par les voiturettes d’au moins 400 kg qui vont parcourir 13 tours de circuit, soit un peu moins de 300 km. On y trouve des marques comme : MATHIS, SÉNÉCHAL, SALMSON, ARIÈS.

La MATHIS de MEYER se présente aux opérations de pesage: seuls les montants de parebrise
sont conservés, pare-pierres, amortisseurs à friction, jauge extérieure sont « rapportées ».

Ensuite, la catégorie des voitures légères de plus de 1 000 kg avec 3 ARIÈS et 3 PEUGEOT qui vont faire 17 tours, soit 388 km.

Les rutilantes 18 CV PEUGEOT, type 174, engagées dans la 3e catégorie.

 

Enfin la catégorie des voitures avec un poids minimum de 1 400 kg où l’on trouve 3 grosses PEUGEOT et 1 ARIÈS qui vont parcourir un peu plus de 500 km.

CABAILLOT, MEAUX SAINT-MARC et
FORESTI dans la « manivelle » de Semblançay.

Le 1er juillet 1923 à 8 heures du matin, c’est le départ des trois catégories « Grand Prix Tourisme ».

Les spectateurs sont un peu déçus car, en raison de l’essence qui est contingentée, les pilotes ne donnent pas le maximum de leurs voitures pour ne pas trop consommer. Ils vont tourner moins vite que les motos 500 cm3. Le deuxième problème qui se pose aux concurrents est la projection de cailloux qui percent les radiateurs et mettra hors course quelques voitures.

  • En voiturettes, sur les 12 partants, 5 seront à l’arrivée avec une victoire de LAHMS sur MATHIS en 3 h
  • En voitures légères, c’est CABAILLOT qui s’impose en 5 h 40 sur PEUGEOT devant ses deux coéquipiers de la marque française.
  • Dans la catégorie voitures, là aussi les 4 partants vont être à l’arrivée et dans cette catégorie, PEUGEOT prend les 3 premières places avec BOILLOT à la tête en 6 h

 

Le 2 juillet 1923, vient enfin le « Grand Prix de Vitesse », la course phare que tout le monde attend.

Après le forfait de GOUX, l’équipe ROLLAND-PILAIN ne compte plus que deux engagés : GUYOT / LÉTIGNY (n° 3), HÉMERY / DELALANDE (n° 13).
Sous les flèches, de gauche à droite : FRANÇOIS ROLLAND et ÉMILE PILAIN.

17 bolides se sont élancés sur les 22 km du circuit :

  • 4 BUGATTI,
  • 4 VOISIN,
  • 3 FIAT,
  • 3 SUNBEAM,
  • 2 ROLLAND-PILAIN
  • 1 DELAGE

Toutes ces voitures ont une cylindrée maximum de 2 litres, elles doivent peser plus de 650 kg et le pilote et son mécanicien doivent à eux deux peser plus de 120 kg.

Pour obtenir de la puissance et du rendement, toutes ces voitures ont un nombre important de cylindres :

  • 6 pour les VOISIN et les SUNBEAM,
  • 8 pour les BUGATTI, les ROLLAND-PILAIN et les FIAT,
  • 12 pour la DELAGE

Le départ se fait lancé. Dès que la voiture ouvreuse se range au passage de la ligne de départ, la horde des bolides se lance dans la poussière et à grande vitesse. Dès le premier tour, un accident met déjà hors course une BUGATTI.

La SUNBEAM victorieuse de SEGRAVE effectuant son tour d’honneur.

Le 1er tour est couvert par la meute à plus de 140 km/h. la FIAT est aux commandes, elle est chronométrée à presque 200 km/h dans la ligne droite.

Dès le 3e tour, les voitures françaises sont derrière. Le jeu des abandons va bouleverser les choses et la tête de la course change régulièrement, mais le rythme est toujours soutenu !

 

 

Au 20e tour, il y a 51 secondes entre le premier et le deuxième. Mais les abandons se succèdent et bouleversent le classement, au 33e tour la SUNBEAM de SEGRAVE prend la tête et la gardera jusqu’à l’arrivée.

Sur les 17 partants, seuls 5 seront classés, soit 12 abandons.

SUNBEAM gagne en parcourant 799 km à 121 km/h de moyenne devant une autre SUNBEAM (DIVO).

La BUGATTI de FRIEDRICH est 3e après une belle remontée.

Suivent ensuite une troisième SUNBEAM (GUINNESS) et, fermant le clas- sement, la VOISIN de LEFÈBVRE.

Premier Français à l’arrivée, 3e au classement général, FRIEDERICH (précédant ici DIVO) réalise une des meilleures performances du Grand Prix de Vitesse.

En marge de ce grand prix, les deux marques VOISIN et BUGATTI s’étaient lancées un défi de construire la voiture la plus aérodynamique. S’ils ont fabriqué des voitures révolutionnaires, aucune n’a gagné la course.

 

Pour le Grand Prix 1923, Louis Delage charge son ingénieur Charles Planchon de construire sur le châssis de 1922 une voiture d’une conception tota- lement inédite : la 2 LCV est une V 12 de 2 litres de cylindrée, à 4 arbres à cames en tête, sa technique trahissant l’influence des Fiat observées l’année précédente à Strasbourg.

 

Préparée à la hâte, la Delage souffre de défauts de jeunesse observés lors des essais. Malgré l’insistance de René Thomas le pilote et en raison de l’antagonisme entre lui et l’ingénieur, ces défauts ne seront pas corrigés. Les performances de la nouvelle Delage sont parmi les meilleures du lot, mais elle va être contrainte à l’abandon après 7 tours de circuit, victime de surchauffe menant à la « casse-moteur ».

Louis Delage n’en est pas catastrophé pour autant, sachant profondément que sa voiture n’effectue ici qu’un galop d’essai. Il écrit à Thomas « Bien travaillée, elle doit être invincible l’an prochain », Les années 1924 et surtout 1925 vont lui donner raison.

Bugatti a mis en vente aux enchères par le journal Le Matin la voiture n° 6 arrivée 3e au profit de la Caisse des savants et c’est un Alsacien qui a acheté la voiture : un certain M. SCHLUMPF, ce qui a permis de conserver cette auto jusqu’à nos jours !

Dans les tanks type 32, l’équipe BUGATTI au grand complet : DE VIZCAYA (n° 11), FRIEDERICH (n° 6), DE CYSTRIA (n° 18), MARCO (n° 16).